Le Romantisme en chanson

‘L’amour n’est pas aimé’
Saint François d’Assise

Aussi curieux que cela puisse paraître, la dépouille de saint Valentin, vést-valentinnérable saint prêtre italien du 4ème siècle, se trouve de nos jours dans une église Carmélite de Dublin. Il y a trois ans, en février 2000, dans numéro 41 de ‘Irish Eyes’, Alison Benney a déjà raconté cette histoire véridique. Ce mois-ci, en l’honneur du Saint Père Valentin, nous allons étudier la chanson gaélique romantique. Mais attention, c’est une rude chanson rurale qui vient d’époques plus dures qu’aujourd’hui, les inconditionnels d’Harlequin sont prévenus !

Commençons avec une chanson traditionnelle, qui est devenue un grand succès avec le groupe Altan du comté de Donegal, dans le Nord Ouest du pays. ‘Eoghainín Ó Ragadáin’, mot à mot, Petit Jean (de la famille) Ragadán. Une fille chante son amour, malheureusement non réciproque, pour Eoghainín. Elle aimerait passer deux semaines dans sa maison, s’occuper de son bétail, lui cueillir des noix. Elle finit la chanson en lui faisant une émouvante déclaration d’amour, lui déclarant qu’elle aimerait que sa mâchoire soit enterrée auprès d’elle. C’est vrai que l’on n’écrit plus les chansons comme avant !

‘… is trua gan do ghiall beag thiar faoi fhód agam’
[……. Isse trua gone do gi-il biog hire fui fod ogume ]
‘…. il est triste que je n’ai pas ta petite mâchoire enterrée auprès de moi’

Comment expliquer cette image ? On peut supposer que la fille aimerait simplement avoir Eoghainín en exclusivité, mais que si ‘Eoghainín n’était pas entier, c’est spécialement la part qui peut lui donner des bisous qui l’intéresse. Donc messieurs, si un jour vous vous trouvez tout seul avec une fille du Donegal, vous avez intérêt à rester sur vos gardes !…

Une chanson plus accessible, et une grande favorite des lycéennes irlandaises, est ‘An raibh tú ag an gcarraig’, ‘As-tu été au rocher’. Encore une fois nous voyons que tout n’est pas toujours simple dans une chanson d’amour gaélique.

Couplet 1
‘An raibh tú ag an gcarraig,
nó an bhfaca tú féin mo ghrá ?
nó an bhfaca tú gile agus finne agus scéimh na mná ?
……..nó a’ bhfuil sí dá cloí mar ‘táim ?’

[one rau tu aigue one garrigue ?
no one oke tou faine mo graa
no one oke tu guila augusse fina augusse chève na ménoo
……… no a wille chi do-o cli mar tome]

‘As-tu été au rocher ?
[ou] as-tu vu mon aimée ?
[ou] as-tu vu l’éclat, la beauté et la grâce [forme] des femmes ?
……..est-elle subjuguée [folle d’amour] comme moi ?’

Le monsieur est très convaincu des qualités sa bien aimée, elle est l’incarnation même de toutes les qualités féminines. Malheureusement, il va connaître une petite déception dans les réponses du deuxième vers :

Couplet 2
‘Do bhíos ag an gcarraig,
‘s do chonaic mé féin do ghrá,
do chonaic mé gile agus finne agus scéimh na mná,
……..agus níl sí dá cloí mar ‘táir ? ‘

[di viosse aigue one garrigue,
isse do honick mé faine do gra
isse do honick mé guila augusse fina augusse chève na ménoo
…augusse nil chi do-o cli marre thor]

‘j’ai bien été au rocher
et j’ai vu moi-même ton aimée,
j’ai bien vu l’éclat, la beauté et la grâce [forme] des femmes,
……..et elle n’est pas subjuguée comme toi’

Depuis des générations, cette chanson fait rigoler les cyniques… Vite, trouvons une chanson où la Dulcinée est au moins moyennement amoureuse de son prétendant. Voici un bon exemple : ‘Jimmy Mo Mhíle Stór’, mot à mot, ‘Jimmy mes milles amours’. Ici, même après un an d’absence, la fille est toujours folle de son Jimmy.

‘Bliain an taca seo d’imigh uaim rún mo chléibh
Ní thiocfaidh sé abhaile go dtabharfaidh sé cúrsa ‘n tsaoil
Nuair a chífead é, rithfeadh le fuinneamh ró-ard ina chomhair
A’s clúdód le mil é, ‘s é Jimmy mo mhíle stór.’

[bline one thaca cha dimi ouame rune mo cléive
ni tchoki ché awalia gu taurfi ché kursa one téile
nure a tchifa é, riffa le fouiniève roe-arde ina ko-are
asse clodogue le mil é, isse é Jimmy mo vila store]

‘l’année dernière il est parti de moi l’amour de ma cage thoracique [de mon cœur !],
et il ne rentrera pas jusqu’à ce qu’il revienne de son tour du monde,
quand je le verrai je vais courir auprès de lui,
couvert de miel, c’est lui, Jimmy mes mille amours.

Jimmy est parti en bateau, son amoureuse l’attend depuis un an, elle souffre, ses parents désapprouvent, mais elle ne désespère pas. Dans la suite de la chanson, elle pense partir vivre toute seule dans la forêt où elle entendra le chant des oiseaux en attendant le retour de Jimmy. Une autre fille qui sait très bien ce qu’elle veut est celle qui veut avoir la peau de ‘Bean Pháidín’, ‘la femme de Petit Patrick’. Comme avec Eoghainín, vous aurez compris que le suffix -ín nous donne le diminutif d’un mot.

‘Sé trua ghéar nach mise bean Pháidín
……….. ‘s an bhean atá aige bheith caillte’
[chez trua gare noque meche-chats banne Fo-odjine
… isse one vanne atao aiga bé khaïlcha]

Il est amèrement dommage que cela ne soit pas moi la femme de Páidín
……. et que la femme qu’il a crève [soit perdue] !’

La malveillance de cette jalouse est encore plus claire dans le dernier couplet :

‘Go mbristear do chosa, ‘bhean Pháidín’
….. go mbristear do chosa, is do chnámha’
[go mriche-tare do kossa, vanne fo-odjine
….. gu mriche-tare do kossa; isse do ke-nova]
‘Soient cassées tes jambes, ô femme de Páidín,
……. soient cassées tes jambes, et tes os.

‘T’aimer follement’ était la première chanson d’un jeune Johnny Hallyday en 1960. Il doit être content de nos irlandaises : la première veut enterrer la mâchoire de celui qu’elle convoite, la deuxième se fiche de son amoureux, la troisième est partie pour piquer une dépression nerveuse forestière, et la dernière ne cache sa psychose homicide. N’est-ce pas beau le romantisme gaélique ?!

 

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Dernière mise à jour : mardi 24 janvier 2006
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