Qui sommes-nous ? D’où venons nous ? Où allons nous ? Que de questions ! L’irlandais n’est pas une langue qui a froid aux yeux, osons poser les vraies questions.
Commençons avec ‘comment vas-tu ?’
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L’irlandais d’Ulster a la très jolie construction ‘cad é mar’, une phrase dotée d’une musicalité joyeuse et très agréable à l’oreille. Les autres dialectes ont leur propre manière de poser la question équivalente, notamment en se basant sur ‘conas’. Amusant, non ? La bonne prononciation de ‘conas’ (‘comment’) peut effectivement faire sourire, ou choquer les sensibilités francophones, mais je peux vous assurer que c’est du très bon irlandais. On retrouve la question à la nordiste, c’est-à-dire le ‘cad é’ d’Ulster, dans une chanson gaélique chantée par Tri Yann, ‘Cad é sin don té sin ? ‘, grand hymne à une vie sans gêne.
Cad é sin don té sin nach mbaineann sin dó ?
[cod é chin donn té chin nok muinninne chin deau]
mot à mot qu’est-ce que c’est cela pour celui que cela ne regarde pas ?
sens français Mêle toi de tes affaires.
Autres questions incontournables :
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Cén fáth ? Pourquoi ? La reine, la mère de toutes les questions. De ‘fath’, ‘raison’, donc mot à mot ‘quelle raison’. Une célèbre complainte donne une réponse, un ‘fath’ possible à une question sous entendue. Il s’agit, naturellement, d’une triste histoire d’amour non réciproque. A chanter avec une bonne dose de tristesse, bien entendu.
Sé fáth mo bhuartha
[chez foh mo voorha]
C’est la raison de ma détresse
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A tant de questions, ce serait une bonne idée de pouvoir donner quelques réponses. Commençons avec le grand classique, ‘je ne sais pas’. La vision irlandaise des choses n’est pas que ‘vous ne savez pas quelque chose’ mais que ‘son savoir n’est pas avec vous’, c’est-à-dire ‘vous n’avez pas le savoir’. Très joliment dit, n’est-ce pas ?
A l’inverse, lorsque ‘vous avez la réponse’, c’est que ‘le savoir est avec vous’. C’est un peu comme la Force dans la Guerre des Étoiles. |
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Vous voulez pouvoir dire un simple ‘oui’ ou un simple ‘non’ ? Mais quelle idée ! La bonne blague : es mots n’existent pas en irlandais – pas mal pour une langue trois fois millénaire. Alors, comment font les Irlandais ? C’est facile : ils reprennent le verbe utilisé dans la question posée. Par exemple, à ‘veux-tu une bière ?’, la réponse est ‘je veux’ plutôt qu’un ‘oui’. Ou éventuellement ‘je ne veux pas’ plutôt qu’un non.
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Pour dépanner il y a des réponses à base du verbe ‘is’, être, qui peuvent faire une approximation aux ‘oui’ et aux ‘non’.
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Dans la Bible, Saint Matthieu a déjà anticipé de deux mille ans la situation irlandaise :
Is é amháin is ráite daoibh : ‘Is ea, is ea’, Ní hea, hí hea’.
Que votre ‘oui’, soit ‘oui’, votre ‘non’, soit ‘non ‘
Matthieu 5 : 37
On peut donc prétendre qu’en irlandais, le ‘oui’ est d’office un ‘oui’ bien réfléchi, car il faut écouter bien la question, penser bien à la grammaire et formuler bien la réponse … à côté les ‘oui’ et les ‘non’ à la française sont vraiment trop faciles, des petits joueurs, des automatismes désinvoltes sans forme ni fond.
Pour plus sur le ‘oui’ et le ‘non’ : Perception et possession