Nos amis les insectes…

Nos amis les insectes…. Ils nous piquent, ils mangent nos vêtements, ils infestent les cheveux de nos écoliers, ils véhiculent des maladies et ils tombent dans nos verres de vin. Est-il donc possible de dire du bien d’eux ? La réponse semble être catégorique….. oui ! Ou peut être carrément non ? C’est-à-dire oui pour les Français et non pour les Irlandais. Une étude plus approfondie s’impose… D’abord regardons un peu du côté du monde francophone.

“Ma puce”. Vous aurez du mal à trouver une Irlandaise qui réagisse positivement à une telle appellation, même dans les conditions les plus romantiques ! Et pourtant la gent féminine irlandaise est nettement moins susceptible que la gent féminine française. La ‘dearnad’ sera toujours pour elle une petite bête désagréable. ‘Punaise’ est une exclamation de surprise pour le français, mais pour un Irlandais elle ne restera qu’un petit ‘míol ‘, voir ci-dessous. Il vaut mieux crier ‘Muise’ (zut !) si vous voulez être bien compris.

dearnad [darnade] pou
feithid [fèheude] insecte
ciaróg [kiroogue] cafard
cuileog [keulogue] mouche

Il y a certain consensus entre les deux langues sur les feithid, ciaróg et cuileog, à la différence près que le gaélique a moins de mal avec le ciaróg, le cafard, que le français. Pour le Francophone le ciaróg, et le fait d’avoir le cafard, est peu souhaitable et synonyme de tristesse. En revanche l’Irlandais se contente d’un constat plus neutre, comme nous pouvons le remarquer dans le dicton suivant :

‘aithníonn ciaróg, ciaróg eile’
[ atniéne kiroogue kiroogue èla ] un cafard reconnaît un autre cafard (entre cafards on se reconnaît)

Aussi curieux que cela puisse paraître le gaélique ne parle pas beaucoup du grand fléau estival qu’est le moustique, alors qu’il est entré dans l’imaginaire du français, pas très éloigné de son cousin lointain le moucheron. Regardons comment le gaélique construit des mots à partir de míol, qui signifie toute forme de petite bête, et du suffixe ‘-tóg’ qui donne le diminutif, et du préfixe’ corr-‘ qui signifie ‘inhabituel’ :

míol [miol] punaise wee
míolta cinn [miolta kinne] poux (de la tête)
míoltóg [mioltogue] moucheron
corrmhíol [korwiol] moustique

Le míoltóg, le moucheron, est une bête très sociable mais qui a la fâcheuse habitude de se déplacer en nuée, aussi bien autour de l’être humain qu’autour du bétail. Toutefois il est rare qu’il entre dans votre maison. En revanche le corrmhíol, le moustique, est plus solitaire et peut très bien passer une nuit entière avec vous. Il entera sans gêne dans la maison, sa grande spécialité étant de faire du bruit et de vous empêcher de dormir, voire de vous piquer de nombreuses fois. Manque de bol pour nous, les deux bêtes, le míoltóg et le corrmhíol, s’entendent comme les vieux amis qu’ils sont et partagent la même espace aérien, vous pouvez très bien avoir la visite des deux dans la même soirée !

Est-ce que tous les insectes sont nuisibles ? Les deux langues, le gaélique et le français, tombent enfin d’accord sur le fait qu’il y en a un qui nous rend service : la beach ‘ l’abeille’. Pour la petite histoire le mot est féminin dans les deux langues alors que la majorité des abeilles sont en fait des mâles, il n’y a qu’une femme par ruche, à savoir la ‘ reine ‘. Ce sont les moines chrétiens du Vème siècle qui ont introduit l’abeille et l’apiculture en Irlande. Ils parlaient le latin et par la suite le mot latin ‘mel’ (miel) est entré dans la langue irlandaise, donnant mil, à partir duquel les Irlandais ont su inventer d’autres mots, regardons les suivants :

mil [mil] miel
milis [milish] doux, sucré
milseán [milchåne] bonbon

La production de mil constituait une énorme industrie monastique en Irlande pendant plusieurs siècles, du Vème siècle jusqu’à tardivement dans le Moyen Age lorsque le sucre l’a supplanté. On trouve toujours les traces de cette industrie dans les noms de certaines villes irlandaises.

Cluain Meala [klune mela] pâture de miel
Fons Mellis (latin) [fonse mellish] fontaine de miel

Fons Mellis est du latin, c’était le premier monastère cistercien en Irlande, fruit de la grande amitié au 13ème siècle entre Saint Malachy d’Armagh et Saint Bernard de Clairvaux. Terminons notre chronique avec un dicton gaélique puisé sans doute dans un pot d’hydromel.

‘is milis é á ól ach is searbh á íoc é’
[isse millish é a ol ock iss chariv’ a i-ok é]
il est doux de boire mais il est amer de payer

 

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Dernière mise à jour : dimanche 25 mars 2007
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