NOTRE AMIE LA VACHE
Ô la vache ! Vacherie, vachement. Il semble bien que le français ait une certaine affinité avec nos amis bovins. Le gaélique aussi. Bien avant la pomme de terre et la cornemuse, c’était la vache, et tout ce qui s’y rapporte, qui distinguaient les Celtes. Les lois ‘Brehon’, celles qui ont rythmé la vie en Irlande pendant mille ans, jusqu’au XVIIème siècle, réglaient les comptes, les dommages et les intérêts à coup de vaches. Un poète recevait un salaire de vingt et une vaches par an, une légère agression physique coûtait deux vaches. Simple comme bonjour. Les peuples irlandais et français ont en commun la vache et le taureau, à leur insu ils utilisent les mêmes mots pour parler de Marguerite et ses copines, des mots directement tirés du latin importé par les envahisseurs romains. Pour la petite histoire, tandis que les Français ont fait preuve d’imagination en prenant deux mots latins pour vache, ‘bos’ et ‘vacca’, les Irlandais se sont contentés d’un seul, à savoir ‘bos’.
Et voilà, ‘bos’ nous donne bó en gaélique et ‘bovin’ en français. Pour un Irlandais, ‘beau’ est une vache, et quand vous regardez bien dans les yeux bruns d’une Charolaise il est difficile de ne pas y trouver quelque chose de très bó. Ceci peut expliquer éventuellement quelques problèmes de communication entre francophones et Irlandais… Les Irlandais ont emprunté des mots au latin, mais parfois ils en ont oublié le sens originel ce qui a provoqué des complications quelques siècles plus tard. Par exemple buachaill (garçon), vient de bó (vache), bu-achaill, c’est-à-dire le bouvier. Puis le mot a été assimilé à garçon tout court. Alors que faire quand on voulait parler de bouvier, et non pas simplement de garçon? Simple. On rajoute bó de nouveau, cette fois après le buachaill , donnant une sorte de sandwich avec un –achaill entre deux bó. buachaill [bukil] garçon Certes, il y a d’autres cultures où la vache est à l’honneur, l’Inde en étant un très bel exemple, qui considère la vache comme un animal sacré. L’Irlande aussi a toujours gardé une grand affection pour ses vaches, et, avant l’ère des logiciels, la bó était une des principales exportations du pays. Pendant la crise de la vache folle, l’Irlande a su convaincre les pays étrangers, et notamment la France, que la bó irlandaise était d’une santé irréprochable, à ne surtout pas confondre avec la bó d’une certaine autre île, laquelle était forcée de manger tout et n’importe quoi, avec les malheureux résultats que nous connaissons aujourd’hui… Avec autant de présence bovine sur l’île, il était inévitable que les vaches et leurs pâtures aillent figurer fréquemment dans la toponymie de l’Irlande. Cluain [klune] pâture, pré L’importance de la bó est à la source même d’une des plus grandes épopées irlandaises, An Táin Bó Cuailge, [åne tone beau koulya], la razzia de vaches de Cooley, habituellement appelée tout simplement ‘An Táin’. Cooley est une presqu’île mythique dans le comté de Louth, dans le nord-est du pays. Tous les héros de l’époque participaient aux batailles pour s’approprier le célèbre Donn [done] le taureau brun, une version bovine des exploits des héros grecs du Siège de Troie. Et bien sûr, on chante les louanges de notre amie la bó dans les chansons gaéliques. Brève revue des plus connues. Sur les joies simples de la vie nous avons le célèbre ‘Aililiú na Gamhna’ [alilu na gônna], ‘ Alléluia ! les Veaux’, où la fermière chante sa joie de posséder de si beaux veaux. Sur les vicissitudes de la vie, voila ‘Bó na Leathadhairce’, [beau na la-aïrika] ‘La Vache à la Corne Unique’, où le chanteur se lamente de la disparition de sa vache, vendue par son voleur de cousin pour acheter du tabac. ‘Cad é sin don té sin ?’ [cod é chin donn té chin], ‘Qu’est que ça peut lui faire’, est une apologie de la vie dissolue : ‘ je vends mes vaches, et je bois l’argent, cela vous regarde ?’ Sur un ton moins provoquant, et plus romantique, voici enfin ‘An Cailin Deas Cruaite na mBó’, [åne colline djasse krutcha na mo] ‘La Belle Fille des Vaches’. Terminons avec la sagesse gaélique, qui nous parle de la futilité de l’envie : Bíonn adharca fada ar na ba thar lear. ce que les français traduisent assez bien avec le proverbe “l’herbe est toujours plus verte dans le pré du voisin” !…
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