L’illustre Oscar Wilde

En 1900 un grand et illustre irlandais s’est éteint sur les rives de la Seine. Il était relativement jeune, cinquante ans seulement. Oscar Fingal O’Flatherty Wilde n’était pas le seul irlandais à l’époque qui a trouvé en France un pays d’accueil, un refuge, voir un repos éternel. Il n’était pas non plus le seul Irlandais à connaître des déboires avec l’Angleterre, ni à passer quelques années dans une de leurs prisons, en tant qu’invité de sa Gracieuse Majesté. Il est vrai que ses démêlés avec les Anglais étaient plus d’ordre moral que politique, mais les Anglais ont souvent eu du mal, même il y a cent ans, à faire la différence. Le mac léinn (étudiant) en gaélique a une affection toute particulière pour Oscar. Car Oscar Wilde aimait la langue gaélique. Et même s’il ne la parlait très bien, il en avait de bonnes notions, il chantait en gaélique pour le plus grand plaisir de ses enfants et de ses proches. Ses enfants ont dit de lui qu’il chantait parfois un peu faux, mais les enfants sont toujours durs avec leurs parents. Quoiqu’il en soit il était leur père et ils l’adoraient même quand il chantait. Plus tard, Vyvyan, un de ses enfants, à l’âge adulte et depuis les États Unis de l’Amérique, s’est lui-même mis à apprendre le gaélique, pour pouvoir chanter à son tour à ses propres enfants. Il existe un remarquable livre, en anglais, qui parle de toute cette vie moins connue d’Oscar et  de l’impacte de l’Irlande sur sa vie et ses œuvres.

‘Oscar Wilde, The Importance of Being Irish’,
David Coakley,
Dublin: Town House, 1994

On sait de ses enfants qu’Oscar chantait des Aisling, du gaélique ‘rêves’. Un style de chanson nationaliste où l’Irlande devient une belle jeune fille, qui chante sa détresse face à l’oppression. La chanson ci-dessous fût la favorite de ses enfants, elle commence avec le chanteur qui demande à pouvoir continuer de rêver.

‘Tá mé i mo chodladh is ná duisigh mé’
[tá mé in mo cúla isse nó douchí mé]
Je dors et ne me réveille pas

On ne connaît pas toutes les chansons qu’Oscar aurait interprétée. Mais il n’y a rien qui nous dit qu’il n’aurait pas chanté aussi celle qui suit. Grand hymne à une vie sans gêne. Plus récemment la même chanson a été chantée, et en gaélique comme il faut,  par le groupe breton Tri Yann.

Cad é sin don té sin nach mbaineann sin dó ?
[cod é chin donn té chin nok muinninne chin deau]
Mèle toi de tes affaires.
mot à mot, qu’est-ce que c’est cela pour celui que cela ne regarde pas ?

La famille Wilde était d’origine anglaise et dans le Dublin du 19 siècle elle faisait parti de la classe dirigeante, dite l’Ascendance anglo-irlandaise, en résumé, protestante, anglophile et très méprisante de la majorité, paysanne et papiste. Pour eux l’Angleterre était tout et l’Irlande n’était qu’une petite île pluvieuse où l’on chassait et récoltait des rentes. Mais les parents d’Oscar, c’étaient toute autre chose.  Ils n’avaient  aucun complexe d’être irlandais et d’habiter leur pauvre petite île pluvieuse. Ils étaient tous les deux passionnés d’Irlande et de culture gaélique. La famille Wilde passait ses vacances à l’ouest de l’Irlande, dans le Connemara, où le Gaélique régnait en maître. Le père, le docteur William Wilde, était un collectionneur inlassable de contes de la tradition orale gaélique. Il se faisait payer en nature par ses patients, un nouveau conte lui allait très bien. Il était aimé par les gens du Connemara, qui le surnommait an Dochtúir Mór, [one dotor mort] le Grand Médecin…….mór, [mort], phonétiquement peu flatteuse en français. Sa mère, Jane Francesca, sous le nom de plume de Speranza, espoir, écrivait aussi sur les légendes et épopées irlandaises. A noter que cette dernière était très active dans le mouvement indépendantiste de l’époque, Les Jeunes Irlandais.

Bean Sí
[banshee]
Banshee

Mot à mot, femme fée. A l’origine elle était une fée toute gentille, mais avec le passage des siècles elle est devenue l’annonciatrice de la Mort.

David Coakley dans son livre démontre que le style narratif d’Oscar Wilde, ainsi que ses images et son amour pour les contes de fées, et de surcroît sa crainte personnelle de la Bean Sí, viennent de la tradition orale gaélique dans laquelle il a baigné durant toute sa jeunesse. On peut dire que sa mort à Paris, des années plus tard, était aussi d’un classicisme gaélique exemplaire. A savoir que certains poètes gaéliques adoraient mener une vie des plus dissolue, avec l’idée bien sûr de se rattraper à la fin, pas trop tôt, mais juste à temps pour mourir dans en état de grâce. Un grand poète aurait même le temps d’écrire un dernier grand poème, normalement pour exprimer un dose de regret. Fidèle à la tradition gaélique, Oscar a attendu, lui aussi, jusqu’au dernier moment avant d’être accueilli entre les bras de l’Église. Il s’est converti sur son lit de mort sur les rives de la Seine, juste à temps pour rendre son âme à Dieu.

Iompú an bháis
[hompeu one vóch]
Conversion de la dernière heure, au lit du mourant.

Staid na ngrást
[stáde na grast]
État de grâce

Maith thú
[maille hue]
Félicitations

Aujourd’hui le Vatican reconnaît que Oscar Wilde a fait une très bonne confession et aurait eu une très bonne chance d’être effectivement parti de ce monde dans un état de grâce.Maith thú Oscar !

 

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Dernière mise à jour : dimanche 25 mars 2007
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